Notre visite des projets en Bolivie

un aperçu personnel sur ce voyage

par Julie Kipgen

En décembre 2021, je suis partie avec Jean-Paul (trésorier et chef de projets) et Marco (président) à Cochabamba en Bolivie. Je vais vous raconter mes impressions plus personnelles, afin que vous puissiez comprendre un peu mieux à quoi ressemble la vie quotidienne à Cochabamba et aux alentours.

Le trajet : 4 vols différents, 25 heures de voyage, 25 heures de port du masque et 6 heures de décalage horaire. L’arrivée est à 7 heures du matin et trop tôt pour entrer dans notre chambre d’hôtel pour dormir un petit peu.

C’est pourquoi une délégation de la Fundación Cristo Vive Bolivia nous accueille à l’aéroport et nous emmène avec leur Pick-up prendre un très bon petit-déjeuner dans leur bureau : melon, toast, confiture, omelette, infusion de coca, café et une sorte de polenta (très) sucrée.

C’est le moment de se refamiliariser avec la langue espagnole, la hauteur (2500 mètres d’altitude) et le climat (été en Amérique du Sud). Je parle de « refamiliariser », car j’ai passé 11 mois à Cochabamba en 2012, dans le cadre du Service Volontaire de Coopération (SNJ).

L’après-midi de notre arrivée, nous avons rendez-vous avec Martine Greischer de la Fundación Kallpa (projet « Trabajo digno ») et Ben Toussaint de l’ONG OGBL qui est de visite pour une mise au point sur la continuation du projet. Ils souhaitent coopérer encore plus avec le gouvernement et les services locaux afin que la sécurité sociale soit une évidence pour chacun. En nous promenant dans les rues pour rentrer à l’hôtel, nous comprenons la motivation et le besoin d’aider de l’équipe du projet « Trabajo digno ».
Veuillez trouver un petit article sur le projet « Trabajo digno » dans l’info 4/2020

Même si je connais la Bolivie, ses traditions et les conditions de vie, je ressens une deuxième fois le « choc culturel » : tant de câbles d’électricité que l’on ne voit presque plus le ciel ; des femmes avec leurs enfants qui essaient à tout prix, jusque tard dans la journée, à vendre des bonbons, des biscuits ou des mouchoirs ; les écoles sont fermées depuis mars 2020 (jusqu’en décembre 2021), des cours via internet ont eu lieu pour ceux qui ont des smartphones, une bonne connexion internet et assez d’argent pour l’abonnement (donc uniquement pour les élèves de familles aisées) ; je ne vois pas de poussettes, les bébés sont portés et ceci en majorité par les mamans ; je vois de très jeunes mamans et beaucoup d’enfants seuls dans les rues ; et ce qui me fait le plus mal au cœur ce sont les femmes qui dorment dans la rue avec leurs très jeunes enfants derrière leurs quelques légumes qu’elles espèrent vendre.

Le deuxième jour, Marco, Jean-Paul et moi montons en Pick-Up avec deux responsables de l’organisation « Anawin » à Chapisirca qui se trouve à environ 3800 mètres d’altitude. Un paysage très beau, des troupeaux d’alpacas et de vaches et quelques petites maisons. Au centre de Chapisirca se trouve l’école primaire et secondaire, un internat et des petites maisons pour les professeurs (car le trajet jusqu’à Cochabamba dure 3 heures).

Les habitants de la communauté nous montrent comment leur bétail (vaches et moutons) ont pris du poids, ils présentent avec fierté leurs jolis produits d’artisanat de laine (moutons), ils nous font une démonstration de leurs nouvelles machines qui facilitent la production de bonne nourriture pour les vaches et ils nous donnent à goûter de leur fromage et de leurs pommes de terre.

L’après-midi, nous sommes invités à rencontrer les élèves de l’école de Chapisirca. A l’école les enfants et leurs familles sont tous là (même s’il n’y a toujours pas de cours en présentiel) pour nous présenter quelques danses traditionnelles. Bien sûr que nous (devons) danser avec eux, même si nous n’avons presque pas de souffle à cause de l’altitude et des masques.

Pour terminer, nous inaugurons la station de radio qui permet la continuation des cours de l’école et des ateliers sur l’agriculture. Je suis contente de voir que le projet fut un succès grâce à la motivation des habitants, le professionnalisme de Anawin et les donations du Luxembourg.

Pour plus d’informations sur le projet : https://www.niti.lu/nos-projets/en-bolivie/montecillo-chapisirca/ et dans l’info 4/2021 et 2/2020

Le troisième jour, Anawin nous emmène visiter une nouvelle communauté dans laquelle ils ont fait un diagnostic pour analyser la demande, la disposition et les besoins des habitants et de leurs dirigeants. C’est impressionnant de voir comment vivent les familles. Ils ont un petit terrain avec des petites maisonnettes, dans lesquelles vit toute la famille : les grands-parents, les oncles et les tantes, les cousins, … Ils ont beaucoup de peine à subvenir financièrement aux besoins de leurs enfants afin de leur permettre une scolarisation jusqu’en classe terminale.

L’après-midi, nous visitons le projet « Korihuma », une école primaire et secondaire, avec des cours et méthodes alternatives, des ateliers pour les parents et des cours axés sur l’agriculture, la gastronomie, la mécanique, etc. Nous constatons le succès du projet clôturé pour nous en 2020 et nous remarquons la fierté, la joie et la motivation des élèves et des professeurs. Pour plus d’informations sur le projet : https://www.niti.lu/nos-projets/en-bolivie/korihuma/ et dans l’info 4/2021

Nous passons les deux prochains jours avec l’organisation « Fundación Cristo Vive » dans les communautés de Tirani, Andrada et Taquiña Chico. J’ai fait mon volontariat dans les services de la Fundación à Tirani et je remarque une belle évolution de l’équipe. Les femmes sont devenues plus confiantes et plus extroverties. Je suis heureuse de voir comment elles ont gagné en expérience professionnelle, et certaines qui ont été formées «éducatrice» par le projet, sont celles qui maintenant forment elles-mêmes les nouvelles éducatrices. Les femmes sont vraiment heureuses de pouvoir travailler et d’être financièrement autonomes.

Nous visitons les nouveaux centres infantiles, les potagers communautaires et nous rendons visite à quelques familles qui ont reçu un réservoir d’eau. Plus tard, les femmes qui ont obtenu un réservoir ou des semences, nous présentent leurs plus beaux légumes et fleurs. Après leur présentation, elles commencent à faire du commerce entre elles.
Pour plus d’informations sur le projet : https://www.niti.lu/nos-projets/en-bolivie/tirani-3-2/ et dans l’info 3/2019

Après une semaine très intensive, il est l’heure pour moi de retourner au Luxembourg chez ma famille et au travail : 4 vols, 25 heures de trajet et de masque et 6 heures de décalage horaire. Jean-Paul et Marco continuent leur voyage à Potosí pour visiter le nouveau projet avec l’organisation de Contexto.

Encore quelques observations qui m’ont touchée :

  • Lorsqu’on te sert à boire, le verre est toujours bien rempli, même si ce n’est que pour goûter;
  • Quand tu es invité à manger, tu reçois toujours plus que tu ne peux manger ;
  • Tout le monde porte du désinfectant autour du cou et en entrant dans un bâtiment, le paillasson est imprégné de désinfectant et une personne te désinfecte les mains ; le masque est obligatoire à l’extérieur ;
  • Quand il pleut un peu plus, beaucoup de rues sont bloquées, car le système de canalisation n’arrive pas à évacuer une masse plus importante d’eau ;
  • Le papier toilette est jeté dans la poubelle, car la canalisation se boucherait trop vite ;
  • Sur la télé bolivienne, on ne voit que des animatrices très minces avec une belle poitrine et des cheveux blonds ;
  • Dans les zones rurales, les femmes se regroupent naturellement entre femmes et les hommes entre hommes ;
  • Je ne vois pas de couple homosexuel, mais beaucoup de mamans mineures.

Julie Kipgen

Une rentrée scolaire particulière à Tirani en Bolivie

En février, la directrice de la Fundación Cristo Vive Bolivia nous écrit pour partager un moment de fierté et de joie : pour la rentrée scolaire (une vraie rentrée depuis le Covid 19), le Maire de la commune Cercado de Cochabamba a visité les crèches dans les communautés de Tirani. Il aurait choisi de visiter ces projets-là car il les estime particulièrement pour leur conception et leur engagement.

„Cet événement à Tirani a été un moment important car il montre une grande partie de ce qui a été réalisé au cours de ces années dans la communauté. Ce sont les leaders communautaires, les collègues de l‘équipe multidisciplinaire de tous les services et les éducateurs qui se sont battus pendant deux ans pour réaliser cet événement.

En Bolivie, il est très difficile pour une autorité de prendre un moment pour écouter le peuple et cet événement a permis à un groupe important d‘autorités municipales d‘entrer en contact direct avec les habitants et d‘écouter ses besoins (en dehors des périodes de campagne électorale).

Les autorités ressentent l‘affection et la gratitude de la population et ceci permet aux habitants d‘avoir plus tard la force et la confiance de se rendre dans les bureaux pour leur rappeler les engagements exprimés lors de la visite. L‘expression publique de divers engagements sera désormais le moteur qui permettra aux autorités communautaires d‘assurer le suivi et d‘exiger le respect de ces engagements.

A la fin de la visite, le Maire a été amené par nos éducateurs pour rejoindre le groupe et faire une belle photo.

Nous sommes certains que cet événement marquera une relation différente entre nos communautés et les autorités.
C‘est merveilleux d‘être témoin de la croissance des gens.“

MERCI DE FAIRE PARTIE DE CE PROCESSUS !

Mercedes Gutierrez Cuellar, directrice de la „Fundación Cristo Vive Bolivia“
Traduction Julie Kipgen

Le projet „Trabajo Digno“ de l’association Kallpa à Cochabamba

Fin décembre, Martine Greischer, directrice du projet « Trabajo Digno » à Cochabamba nous a rendu attentif à un article paru dans le journal en ligne bolivien GUARDIANA https://guardiana.com.bo/iniciativas/empleo-digno/ sur le travail de son association Kallpa. Voici la traduction en français de cet article :

« Trabajo Digno » (travail décent) peut vous aider à trouver un emploi gratuitement. Trabajo Digno travaille depuis 2011 à Cochabamba dans le cadre de la Fondation Kallpa. Il soutient les personnes qui cherchent à avoir un revenu décent et ceci dans cinq domaines : recherche d’emploi, entreprises prospères, protection du travail, aide juridique et sécurité sociale. Elle a déjà accompagné 4 500 personnes dans ces cinq domaines et en a formé 21 000 en ateliers. Weiterlesen

Etat de Bolivie Plurinational, le retour à la démocratie en 363 jours

Commentaire sur les élections présidentielles en Bolivien

par Rodrigo Aramayo Mercado et l’équipe ANAWIN

Cochabamba 22.10.20

363 jours se sont écoulés depuis le 20 octobre 2019, date à laquelle le récit de la fraude a été imposé pour annuler le résultat de l’élection qui aurait instauré Evo Morales pour la quatrième fois comme président de la Bolivie. Dans les 21 jours qui suivaient (entre octobre et novembre 2019), une profonde construction sociologique a resurgi manifestant un prétendu droit coutumier du citoyen urbain blanc créole et oligarque (« l’humain ») en tant que seul propriétaire de la destination du pays andin-amazonien, au détriment du paysan indigène (considéré comme « le barbare »). Ce dernier a essayé au cours des 14 dernières années de récupérer une charte de citoyenneté et a eu l’audace de revendiquer son droit d’être protagoniste de la construction de l’État. Weiterlesen

Spendenaufruf – appel aux dons

Angesichts der alarmierenden und sogar katastrophalen Gesundheitssituation in vielen Städten und Regionen Boliviens, Chiles und Perus und angesichts der sozialen Lage großer Teile der Bevölkerung – kleine Gelegenheitjobs, ungelernte Arbeitskräfte, Straßenhändler – ohne soziale Sicherheit oder ein reguliertes Gesundheitssystem sind viele Menschen nach drei Monaten Ausgangssperre / Quarantäne finanziell am Boden und müssen Tag für Tag kämpfen, um die Grundbedürfnisse ihrer Angehörigen zu gewährleisten.


Aus diesem Grund richten wir diesen Spendenaufruf an Sie, um unseren Partnerverbänden bei der Unterstützung der Bedürftigsten und Schwächsten zu helfen.  


Bitte versehen Sie Ihre Spenden an unser CCPL LU75 1111 0897 7348 0000 mit dem Zusatz: „don covid-19“.

Vielen Dank für Ihr Engagement

 

Vu la situation sanitaire alarmante voir catastrophique (lire les articles précédents) dans maintes villes et régions de Bolivie, du Chili et du Pérou et vu la situation sociale d‘une grande partie de la population – petits emplois d‘occasion, travailleurs non qualifiés, commerce informel – sans sécurité sociale ni système de santé réglementé, beaucoup de gens sont, après trois mois de confinement/quarantaine, financièrement à bout et
doivent lutter au jour le jour afin d‘assurer les besoins élémentaires de leurs proches.

C‘est pourquoi nous vous adressons cet appel aux dons pour accompagner nos associations partenaires à soutenir les plus nécessiteux et les plus vulnérables.

Veuillez munir vos dons à notre CCPL LU75 1111 0897 7348 0000 de la mention „don covid-19“.

Merci pour votre engagement

La route critique que doivent suivre les Boliviens

Historique et analyse des troubles en Bolivie
par Rodrigo Aramayo, directeur de notre ONG partenaire ANAWIN, Cochabamba

Après 14 ans de relative stabilité sociale, politique et économique, la Bolivie est bouleversée et au bord du chaos depuis le jour des élections. La question qui se pose: quel est vraiment le facteur qui a déclenché cette confrontation?
Compte tenu de ces 4 semaines, le 20 octobre ont eu lieu les élections nationales pour élire le président, le vice-président et les parlementaires. Cette même nuit, lors du dépouillement du scrutin, le corps électoral a ordonné la coupure de la transmission publique des résultats. A ce moment, après que 85% des bulletins étaient dépouillés, l’écart entre le président sortant/candidat indigène Evo Morales et le candidat de centre-droite Carlos Mesa s‘élevait à 4%. Au cas où ce résultat serait définitif, conformément à la Constitution de l’État, il faudrait procéder à un deuxième scrutin entre les deux candidats. Il était clair qu’alors tous les fronts s’uniraient contre Morales, menant Mesa à la présidence. Le lendemain, lorsque la transmission a repris, l’écart est passé à plus de 10% et Evo Morales a été proclamé vainqueur et président de l’État plurinational de Bolivie pour un nouveau mandat de 2020-2015 et qui devrait débuter le 22 janvier.
A partir de ce moment, c’est une autre histoire. Face à l’appel à la résistance et aux allégations de fraude de Carlos Mesa, les principales villes de Bolivie ont réagi en mobilisant les secteurs de la classe moyenne. Santa Cruz, principal centre économique du pays, prend le relais des mouvements civiques qui se généralisent rapidement dans les villes, la stratégie est de paralyser toutes les activités publiques, privées, commerciales en élevant des barricades dans les rues défendues par les citoyens pour bloquer avec force toute circulation et tous les moyens de transport aussi bien dans les zones centrales que résidentielles. Dans les secteurs populaires et périphériques pourtant, on remarque que les activités se poursuivent normalement, premier symptôme que le mouvement de rejet d’une éventuelle fraude a des teintes classistes. Immédiatement, le gouvernement annonce un accord avec l’OEA (Organisation des États américains) pour auditer les résultats des élections dans les 10 jours, précisant qu’en cas de panne informatique, il accepterait le scrutin, accord qui n’arrête pourtant pas les mobilisations. Les jours qui suivent, les protestations deviennent plus radicales, on parle déjà de démission et de nombreux groupes de jeunes sur les motos et les VTT apparaissent dans les rues avec des attitudes qui dénotent une plus grande agressivité, attaquant et incendiant les bureaux du corps électoral. Ces groupes sont chargés de protéger les barricades qui se multiplient à chaque recoin des centres urbains résidentiels. Dans ce scénario de répudiation de la classe moyenne, les réseaux sociaux deviennent le meilleur moyen de communication et de diffusion de messages à fort contenu raciste et appellent à maintenir la résistance jusqu’à la démission du président indigène.

Partisans du candidat de droite Carlos Mesa brûlant des bulletins de vote à La Paz

Entretemps les organisations sociales indigènes et les zones populaires urbaines réagissent avec des marches de masse pour défendre Evo Morales et le gouvernement en insistant sur le respect du vote rural et la légalité du nouveau mandat. Ainsi ont lieu les premiers affrontements entre ces deux groupes à Santa Cruz, Cochabamba et La Paz, avec un bilan de 3 morts et des centaines de blessés. La police fait des efforts tièdes pour calmer les esprits mais finalement elle ne cherche qu’à protéger les quartiers résidentiels contre d’éventuels actes de vandalisme face à la panique générée par les messages alarmistes qui se produisent sur les réseaux sociaux.
Le 10 novembre, un événement majeur déstabilise le gouvernement jusque-là fort d’Evo Morales: l’émeute policière de Cochabamba qui se propage rapidement dans tout le pays. Les forces armées qui jusqu’à présent ont maintenu leur position de ne pas descendre dans la rue pour faire face au peuple recommandent au président de démissionner.
Le même jour, le président déclare que les examinateurs de l’OEA ont constaté des irrégularités dans le processus électoral. Il annonce immédiatement de nouvelles élections avec de nouveaux acteurs qui se tiendraient le 15 décembre. Dans l’après-midi, le président Morales qui se trouvait dans la région tropicale de Cochabamba, le principal bastion du MAS (Mouvement vers le Socialisme), proclame que le coup d’État de la police a été lancé avec l’ingérence directe de l’extrême droite internationale et démissionne, de même le vice-président Álvaro García Linera. Le lendemain, le gouvernement mexicain lui envoie un avion et il part en exil.
Le lundi 11 novembre, devant le vide du pouvoir, la deuxième vice-présidente du Sénat représentant l’un des partis de la droite radicale se proclame présidente par intérim de la Bolivie, dont le mandat a pour seule mission d’organiser de nouvelles élections et qui prendrait fin le 22 janvier 2020.
Logiquement, l’euphorie se déchaîne dans les villes, ce sont les classes moyennes qui ont «renversé le dictateur», les héros sont les policiers qui descendent et brûlent le drapeau multicolore (whipala), symbole des peuples indigènes et les jeunes à moto habillés en costumes de combat au meilleur style des groupes radicaux défilent dans les rues.
La réaction des adeptes de Morales, beaucoup plus nombreux qu’on ne le pensait, est immédiate. Les premiers à payer les conséquences de leurs actions sont la police, plusieurs unités de police sont en feu. Les classes moyennes des villes qui avaient été les protagonistes de la panique du renversement, les mêmes réseaux sociaux qui appelaient auparavant à la résistance, sont maintenant responsables de la diffusion de messages alarmistes qui annoncent l’avance des indigènes vers les villes. C’est dans ce contexte que le vendredi 15, une marche massive des producteurs de coca de Chapare, le secteur le plus fidèle à Evo Morales arrive à Sacaba, qui est la porte d’entrée de la ville de Cochabamba. Ils sont attendus par la police d’élite et les forces militaires qui avaient été préalablement autorisés par la présidente Jeanine Añez à réprimer avec armes toute mobilisation provenant des secteurs qui soutiennent le président déchu. Il y a une confrontation sérieuse à 10 km de la ville. Le résultat : 9 paysans tués par balles de gros calibre et plus de 200 blessés. Pas de victimes de la police et de l’armée. Ces décès provoquent l’indignation et la colère des Indiens Quechua et Aymara qui se sentent discriminés et humiliés en raison de leur statut indigène. La police qui, quelques jours auparavant, avait protégé les habitants rebelles de la ville, attaque maintenant les paysans qui n’acceptent pas le nouveau gouvernement.

Indigènes réclamant la fin des excès de la police


Les organisations autochtones comprennent maintenant que la lutte est basée sur la classe et la couleur de la peau. Le détail le plus frappant est que même les secteurs de l’intelligentsia et de la gauche démontrent que leur appartenance sociale a plus de poids que les théories libératrices.
En cette quatrième semaine qui commence, les positions se radicalisent de plus en plus, même avec l’arrivée des médiateurs des Nations Unies et d’autres pays de l’Union Européenne, il n’est pas possible d’établir un scénario de dialogue.
Que s’est-il passé? Comment Evo Morales est-il tombé brutalement à l’automne, alors qu’en 14 ans de gouvernement il avait généré une large base sociale, à partir de politiques inclusives, de croissance économique, de conquêtes sociales et d’autres réalisations qui ont amélioré la qualité de vie des Boliviens, surtout de ceux qui étaient historiquement marginalisés.
De notre perception, l’erreur fatale était de vouloir rester au pouvoir au-delà de ce que la constitution de Morales lui-même promulguait. Le référendum de 2016 a dit «NON» au projet d’amendement constitutionnel pour permettre au président ou au vice-président de l’État bolivien de se présenter pour une troisième réélection. Néanmoins, faire appel à un droit de l’homme l’a forcé à participer à ces élections. La goutte qui a fait déborder la patience des classes moyennes étaient des allégations de fraude électorale, provoquant une flambée sociale effrénée. Il aurait mieux fait terminer son mandat constitutionnel et laisser un autre membre de son parti occuper ce poste. Même sachant que cette élection porterait le gouvernement plus à droite, il aurait pu être certain que l’opposition n’oserait pas modifier les politiques économiques et sociales, reconnues comme réussies et inclusives. Il serait sorti par la grande porte comme l’un des plus grands présidents de l’histoire bolivienne, avec la certitude que dans cinq ans il serait de retour.
Le plus douloureux est qu’un processus qui a encore un long chemin à parcourir a été tronqué. Pour l’instant, l’affaiblissement des liens de coexistence entre les Boliviens est l’un des faits les plus inquiétants et les plus tristes que la longue crise politique que traverse le pays nous laisse. Il semble que chaque groupe soit ancré dans ses certitudes et préjugés sans chercher à comprendre les idées ou les raisons de ceux qui sont considérés comme différents.
Un autre élément qui ne peut être négligé pour comprendre la chute du gouvernement MAS est l’ingérence extérieure des groupes de pouvoir, aussi bien du nord (les USA) que nos voisins qui ont opté pour des gouvernements d’extrême droite. Dans l’analyse chronologique des événements, il est clairement démontré comment les différents secteurs agissent de manière synchronisée, les dirigeants civiques, la police, l’apparition organisée de groupes parallèles à la police.
Comment sortir de ce conflit? Les spécialistes de la gestion des conflits soulignent que la première étape pour les résoudre est de construire une image partagée du problème. Autrement dit, se mettre d’accord sur au moins les raisons des uns et des autres. Et à partir de cette mosaïque essayer d’y mettre de l’ordre et trouver les accords minimaux qui nous mènent au bout du tunnel. Mais pour cela, il est nécessaire de dialoguer.
L’augmentation de la tension actuelle pourrait s’expliquer dans une certaine mesure par l’incapacité des dirigeants à discuter ensemble leurs points de vue divergents sur les conflits qui nous ont conduits à l’impasse. La société attend toujours ce simple geste de ses dirigeants.
Il est clair qu’aucune issue ne peut être trouvée sans que les acteurs impliqués acceptent non pas une vision commune du problème, mais certaines procédures qui aident à canaliser et à résoudre pacifiquement les différences. Cela semble inévitable, car aucun des blocs en conflit n’a la capacité de trouver une solution. Nous sommes obligés de vivre ensemble, même si nous avons une profonde méfiance ou un malentendu entre nous, et cela ne peut se faire que par le dialogue face à face.

Cochabamba, 18 novembre 2019
Rodrigo Aramayo M.
Anawin

Mon expérience au sein du projet Trabajo Digno

Je m’appelle Edson Eduardo Silvestre Mamani, et je suis étudiant à l’Institut Technologique Sayarinapaj (Bella Vista-Cochabamba) en 5ème semestre d’éducateur. J’ai intégré l’équipe du projet Trabajo Digno en septembre 2016 en tant que stagiaire, avec une grande envie d’apprendre de nouvelles choses intéressantes. J’ai reçu du soutien et j’ai acquis de nouvelles connaissances. J’ai par exemple rencontré différents types de personnes  que nous avons appuyées: des professionnels, des étudiants, des femmes au foyer, des pères de famille, des personnes en situation de handicap, des mineurs en désavantage social et des migrants venant de la campagne.

Un aspect important lors de la recherche d’un emploi digne est la préparation des participants. J’ai appris à accompagner une personne dans sa recherche, à réaliser une analyse des offres d’emploi et à faire la différence entre des emplois corrects et incorrects. Un emploi dit correct doit assurer la couverture des besoins primaires d’une personne et générer suffisamment d’argent pour vivre dignement.  En Bolivie, beaucoup d’entreprises ne respectent pas les normes établies : De cette façon, une personne doit pouvoir bien analyser les annonces dans les journaux pour déceler les offres d’emploi qui sont correctes et qui correspondent à sa recherche.

Pendant mon stage, je me suis rendu compte que de plus en plus de personnes qui s’adressent au projet pour la recherche d’un emploi comptent sur un revenu « extra », un poste de vente ou un petit commerce familier qui leur permet de correctement vivre.

Un autre domaine qui m’intéresse beaucoup est celui de la justice. Le projet accompagne de manière transparente les participants qui sont en difficulté au sein de leur travail et leur enseigne les lois et leurs droits. Un grand avantage est que les personnes qui n’ont pas les moyens financiers nécessaires peuvent profiter de l’avocat spécialisé en droit du travail. Ce dernier les informe et les oriente de manière généreuse, honnête et gratuite. Ceci est un domaine du projet très intéressant et fortement sollicité.

J’ai accompagné le projet Trabajo Digno jusque fin janvier 2017. C’était pour moi une expérience  très enrichissante, puisque j’ai pu faire la connaissance des participants et de leurs motivations. J’ai été impressionné par la diversité des personnes qui passaient par le projet, qui nous expliquaient leurs expériences de travail, leurs objectifs et qui souvent nous racontaient leur vie.

Traduction de l’espagnol: Julie Kipgen

Edson a appuyé le projet Trabajo Digno de septembre à octobre 2016 en tant que stagiaire, et d’octobre 2016 à janvier 2017 en tant que volontaire. Il accompagnait en premier lieu les personnes dans la recherche d’un travail digne, domaine où il a remplacé de manière efficace notre assistante sociale lors de ses vacances. Aussi, il assistait notre avocat dans les démarches légales et notre psychologue dans l’organisation de workshops sur le bien-être au travail.

Edson a fait preuve d’une grande motivation et d’un dynamisme extraordinaire, et on le félicite pour son excellent travail.

En mémoire du Père Jean Claessen

Nous nous souvenons avec beaucoup d’émotion du Père belge Jean Claesen, décédé le 7 février 2017 à l’âge de 89 ans.
En 1993, Padre Juan a créé la Fondation Nidelbarmi qui vise à apporter un soutien scolaire aux enfants des quartiers miniers de Potosi et des faubourgs d’El Alto. „Etudier en jouant“, telle a été la clef de la démarche du Père Jean et de son équipe.

De 2007 à 2009, avec le soutien de H.E.L.P.1 , nous avons pu l’aider (à travers un projet cofinancé par le Ministère de la Coopération luxembourgeoise), à entretenir six centres d‘appui scolaire à Potosi et cinq à El Alto. A Potosi plus de 900 enfants, adolescents et jeunes adultes de 6 à 20 ans ont ainsi pu profiter de l’appui scolaire proposé par Nidelbarmi, à El Alto on comptait 600 personnes s’efforçant à consolider ce qu’elles avaient appris à l’école.

Le Père Jean a bien des mérites concernant le progrès de l’éducation en Bolivie, l’un des pays les plus pauvres de l’Amérique latine.

Le Père Claessens a été et inhumé à El Alto en Bolivie au milieu de ceux qu’il aimait tant. Qu’il repose en paix !

M.S.

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1 H.E.L.P. asbl. est l’œuvre caritative du Lycée Classique d’Echternach



UNE ANNEE SANS DEBUT ET SANS FIN

Rapport final de notre volontaire à Tirani/Cochabamba/Bolivie 2015-2016 Anne Speltz

Mon année en Bolivie n‘est pas une certaine période déterminée qui débutait le 12 août 2015 en Bolivie. Elle débutait bien avant, probablement le jour où je commençais à me poser des questions au sujet d‘une année sabbatique, et est devenue plus concrète par le message de l‘organisation Ninos de la Tierra, qu‘ils voulaient m‘envoyer en Bolivie.

Comme je suis une personne qui se fait beaucoup de soucis, je me suis posé un tas de questions. Mon souci principal était la colocation. J‘avais peur qu‘en vivant avec plusieurs personnes les disputes seraient normales et qu‘on ne pourrait pas s‘entendre avec tout le monde. J‘avais bien des idées sur le pays, mais elles n‘étaient pas très concrètes et en plus, je voulais me laisser surprendre.

Quand je suis arrivée en Bolivie, tout était différent de mes attentes: le pays ne ressemblait pas du tout aux quelques images que j‘avais en tête, bien que maintenant, je ne m‘en souviens même plus. A première vue, je croyais que c‘était moins pauvre et moins chaotique. Et en plus, mes colocataires se montraient très sympathiques. Comme au moment de mon arrivée c‘était la fête de la Urkupina, j‘étais absorbée par une vague de couleurs, d‘odeurs, de saveurs, de musiques,… Une de mes premières impressions de Bolivie était cette fête incroyable et cette euphorie qui laissaient disparaître mes premiers soucis.

Tout doucement, la vie quotidienne commençait et d‘autres soucis et difficultés se développaient.

La langue était pour moi au début un grand obstacle que je réussissais désormais à franchir, grâce à des cours de langues.

Après un certain temps débutait aussi le travail, qui se présentait comme une difficulté plus grande et plus inattendue pour moi. Premièrement, c‘était difficile pour moi de supporter toute cette pauvreté à l‘école et au village où je travaillais. J‘étais en contact direct avec cette pauvreté grâce à mes élèves. Non seulement au travail, mais aussi dans la ville où je vivais, la pauvreté était omniprésente. Chaque jour, nous étions confrontés à des mendiants de tout âge. Mais les images qui restaient le plus longtemps dans les têtes étaient les enfants, mendiants ou dansants pour gagner des sous. Probablement cela nous touchait plus puisqu‘on travaillait avec des enfants. Mais en vivant chaque jour avec cette pauvreté, j‘ai aussi appris par les  enfants mêmes, qu‘ils étaient contents et qu‘ils se réjouissaient des choses les plus simples. Je parie que beaucoup de Boliviens possédant moins que la plupart de nous, sont beaucoup plus heureux que des européens aisés.

Au travail, je ne comprenais pas vraiment ma fonction, mais ceci a pu se régler grâce à des entretiens avec l‘institutrice avec laquelle je travaillais.

Un autre obstacle qui me posais souvent des problèmes était ma santé. A la maison, on m‘avait averti qu‘il fallait faire attention à l‘alimentation. Même sur place, on nous expliquait toutes les mesures de précautions à adopter. Mais même en respectant toutes ces précautions, je tombais régulièrement malade. C‘étaient surtout les problèmes d‘estomac qui m‘embêtaient régulièrement jusqu‘à la fin de mon séjour. Mais un jour, je suis tombée vraiment malade. D‘abord j‘avais seulement de la fièvre et je croyais que ça allait passer vite, comme il n‘y avait pas de problèmes d‘estomac. Mais cette fois-ci, la fièvre ne partait pas, et pendant 2 semaines, chaque jour, j‘avais 40 degrés de fièvre. Je faisais un tas d‘analyses, mais personne ne trouvait rien d‘anormal. Après un certain temps, le médecin me donnait simplement plusieurs antibiotiques et cela passait. Pendant ce temps, j‘ai vraiment appris l‘importance d‘une bonne santé. Toute la qualité de vie en dépend.

Rétrospectivement, je pense que tous ces obstacles étaient une épreuve. Les premiers mois étaient pour moi une période pour faire connaissance avec le pays et sa culture, avec mon travail. L‘année 2015 se terminait par des vacances qui marquaient une coupure entre le début de mon séjour (en tant que premier contact avec le pays et mon travail) et la vie quotidienne.

En janvier je rentrais des vacances, pleine d‘énergie, de nouvelles expériences et de motivation. Je venais de faire une partie du voyage toute seule ce qui était pour moi une expérience très importante et fortifiante. Je commençais le travail avec beaucoup d‘envie et avec la nouvelle année commençait aussi une nouvelle année scolaire et qui allait m‘offrir de nouvelles possibilités. Pour les nouveaux élèves je n‘étais plus un visiteur, entrant en pleine année, mais pour eux, je faisais partie du cours. La vie commençait pour moi, le travail devenait une routine et la langue commençait à devenir plus fluide.

Mes parents me rendaient visite pour Pâques. D‘un côté, je me sentais comme s‘ils venaient voir ma nouvelle vie, mais de l‘autre, je me sentais plutôt en vacances. Leur présence donnait un autre sens à mon séjour bolivien, ils m‘avaient apporté une partie de ma vie familiale du Luxembourg.

Malgré cette routine qui entrait lentement dans ma vie, la culture bolivienne me surprenait toujours. La culture, les traditions, les danses resteront pour moi toujours quelque chose d‘exceptionnel. Chaque fois que je pouvais vivre une fête, j‘étais subjuguée par cette énergie, les couleurs, les danses,…

Lentement la fin de mon séjour approchait, mais je trouve que plus le temps passait, plus beaux devenaient les moments, plus profondes les amitiés, le contact avec les personnes. J‘ai eu la possibilité de réaliser, grâce au soutien financier d‘amis luxembourgeois, un projet avec les enfants plus âgés de l‘école. En cours on parlait de la protection de l‘environnement, un sujet qui n‘est pas du tout développé en Bolivie. Suite à cette présentation, on réalisait une peinture murale, pendant l‘appui scolaire, sur le sujet de la nature idéale. Bien qu‘au début, le projet était un véritable chaos, je crois que j‘ai passé les moments les plus beaux avec les enfants pendant ce travail.  On devenait encore plus proche, et c‘était tellement bien de voir avec quelle énergie et quelle motivation ils travaillaient pour arriver à un résultat satisfaisant.

Vers la fin, j‘ai eu la possibilité de vivre encore plus de moments forts dans la communauté bolivienne. Mon contact avec ma collègue de travail s‘améliorait et en même temps avec beaucoup de boliviens.

L‘atmosphère était tellement bonne, avec mes colocataires et avec les autres volontaires qu‘on a passé des montants inoubliables ensembles, on était comme une petite famille.

Comme les derniers mois étaient vraiment intensifs, notre départ n‘était pas facile du tout.Il faut le voir comme épreuve, qu‘on s‘est vraiment intégré là-bas.

Je crois que pour moi, mon adieu à l‘école était vraiment un des moments les plus tristes de ma vie, mais en même temps aussi un des plus intensifs et beaux. Chaque élève a fait ses adieux de sa propre manière, les uns m‘ont embrassé plusieurs fois, les autres ne sont même pas venus. Les mères aussi me disaient un mot et à ce moment-là, je me sentais vraiment récompensée par mon travail. En allant à l‘aéroport, on pouvait vivre une dernière fois un problème typique bolivien: les blocades de rues. C‘était comme si le pays aussi voulait nous faire ses adieux.

En pensant maintenant à cette année, je suis vraiment très reconnaissante d‘avoir pu vivre une telle expérience. Je suis très reconnaissante envers les enfants. Grâce à eux, j‘ai pu passer des moments vraiment uniques et inoubliables. Mais je suis aussi reconnaissante envers mes parents, mon organisation et toutes les personnes qui m‘ont aidé lors de moments difficiles et ceux qui ont fait de cette année une année inoubliable. Je suis d‘avis, que cette année n‘est pas terminée, elle continue aussi au Luxembourg. J‘ai rapporté un tas de souvenirs et expériences qui font durer l‘année dans mes pensées et qui ont aussi influencé mes opinions et réactions.

Gracias a todos quien lo han hecho posible y inolvidable!

Anne Speltz