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Notre visite des projets en Bolivie
un aperçu personnel sur ce voyage
par Julie Kipgen
En décembre 2021, je suis partie avec Jean-Paul (trésorier et chef de projets) et Marco (président) à Cochabamba en Bolivie. Je vais vous raconter mes impressions plus personnelles, afin que vous puissiez comprendre un peu mieux à quoi ressemble la vie quotidienne à Cochabamba et aux alentours.
Le trajet : 4 vols différents, 25 heures de voyage, 25 heures de port du masque et 6 heures de décalage horaire. L’arrivée est à 7 heures du matin et trop tôt pour entrer dans notre chambre d’hôtel pour dormir un petit peu.
C’est pourquoi une délégation de la Fundación Cristo Vive Bolivia nous accueille à l’aéroport et nous emmène avec leur Pick-up prendre un très bon petit-déjeuner dans leur bureau : melon, toast, confiture, omelette, infusion de coca, café et une sorte de polenta (très) sucrée.
C’est le moment de se refamiliariser avec la langue espagnole, la hauteur (2500 mètres d’altitude) et le climat (été en Amérique du Sud). Je parle de « refamiliariser », car j’ai passé 11 mois à Cochabamba en 2012, dans le cadre du Service Volontaire de Coopération (SNJ).
L’après-midi de notre arrivée, nous avons rendez-vous avec Martine Greischer de la Fundación Kallpa (projet « Trabajo digno ») et Ben Toussaint de l’ONG OGBL qui est de visite pour une mise au point sur la continuation du projet. Ils souhaitent coopérer encore plus avec le gouvernement et les services locaux afin que la sécurité sociale soit une évidence pour chacun. En nous promenant dans les rues pour rentrer à l’hôtel, nous comprenons la motivation et le besoin d’aider de l’équipe du projet « Trabajo digno ».
Veuillez trouver un petit article sur le projet « Trabajo digno » dans l’info 4/2020
Même si je connais la Bolivie, ses traditions et les conditions de vie, je ressens une deuxième fois le « choc culturel » : tant de câbles d’électricité que l’on ne voit presque plus le ciel ; des femmes avec leurs enfants qui essaient à tout prix, jusque tard dans la journée, à vendre des bonbons, des biscuits ou des mouchoirs ; les écoles sont fermées depuis mars 2020 (jusqu’en décembre 2021), des cours via internet ont eu lieu pour ceux qui ont des smartphones, une bonne connexion internet et assez d’argent pour l’abonnement (donc uniquement pour les élèves de familles aisées) ; je ne vois pas de poussettes, les bébés sont portés et ceci en majorité par les mamans ; je vois de très jeunes mamans et beaucoup d’enfants seuls dans les rues ; et ce qui me fait le plus mal au cœur ce sont les femmes qui dorment dans la rue avec leurs très jeunes enfants derrière leurs quelques légumes qu’elles espèrent vendre.
Le deuxième jour, Marco, Jean-Paul et moi montons en Pick-Up avec deux responsables de l’organisation « Anawin » à Chapisirca qui se trouve à environ 3800 mètres d’altitude. Un paysage très beau, des troupeaux d’alpacas et de vaches et quelques petites maisons. Au centre de Chapisirca se trouve l’école primaire et secondaire, un internat et des petites maisons pour les professeurs (car le trajet jusqu’à Cochabamba dure 3 heures).
Les habitants de la communauté nous montrent comment leur bétail (vaches et moutons) ont pris du poids, ils présentent avec fierté leurs jolis produits d’artisanat de laine (moutons), ils nous font une démonstration de leurs nouvelles machines qui facilitent la production de bonne nourriture pour les vaches et ils nous donnent à goûter de leur fromage et de leurs pommes de terre.
L’après-midi, nous sommes invités à rencontrer les élèves de l’école de Chapisirca. A l’école les enfants et leurs familles sont tous là (même s’il n’y a toujours pas de cours en présentiel) pour nous présenter quelques danses traditionnelles. Bien sûr que nous (devons) danser avec eux, même si nous n’avons presque pas de souffle à cause de l’altitude et des masques.
Pour terminer, nous inaugurons la station de radio qui permet la continuation des cours de l’école et des ateliers sur l’agriculture. Je suis contente de voir que le projet fut un succès grâce à la motivation des habitants, le professionnalisme de Anawin et les donations du Luxembourg.
Pour plus d’informations sur le projet : https://www.niti.lu/nos-projets/en-bolivie/montecillo-chapisirca/ et dans l’info 4/2021 et 2/2020
Le troisième jour, Anawin nous emmène visiter une nouvelle communauté dans laquelle ils ont fait un diagnostic pour analyser la demande, la disposition et les besoins des habitants et de leurs dirigeants. C’est impressionnant de voir comment vivent les familles. Ils ont un petit terrain avec des petites maisonnettes, dans lesquelles vit toute la famille : les grands-parents, les oncles et les tantes, les cousins, … Ils ont beaucoup de peine à subvenir financièrement aux besoins de leurs enfants afin de leur permettre une scolarisation jusqu’en classe terminale.
L’après-midi, nous visitons le projet « Korihuma », une école primaire et secondaire, avec des cours et méthodes alternatives, des ateliers pour les parents et des cours axés sur l’agriculture, la gastronomie, la mécanique, etc. Nous constatons le succès du projet clôturé pour nous en 2020 et nous remarquons la fierté, la joie et la motivation des élèves et des professeurs. Pour plus d’informations sur le projet : https://www.niti.lu/nos-projets/en-bolivie/korihuma/ et dans l’info 4/2021
Nous passons les deux prochains jours avec l’organisation « Fundación Cristo Vive » dans les communautés de Tirani, Andrada et Taquiña Chico. J’ai fait mon volontariat dans les services de la Fundación à Tirani et je remarque une belle évolution de l’équipe. Les femmes sont devenues plus confiantes et plus extroverties. Je suis heureuse de voir comment elles ont gagné en expérience professionnelle, et certaines qui ont été formées «éducatrice» par le projet, sont celles qui maintenant forment elles-mêmes les nouvelles éducatrices. Les femmes sont vraiment heureuses de pouvoir travailler et d’être financièrement autonomes.
Nous visitons les nouveaux centres infantiles, les potagers communautaires et nous rendons visite à quelques familles qui ont reçu un réservoir d’eau. Plus tard, les femmes qui ont obtenu un réservoir ou des semences, nous présentent leurs plus beaux légumes et fleurs. Après leur présentation, elles commencent à faire du commerce entre elles.
Pour plus d’informations sur le projet : https://www.niti.lu/nos-projets/en-bolivie/tirani-3-2/ et dans l’info 3/2019
Après une semaine très intensive, il est l’heure pour moi de retourner au Luxembourg chez ma famille et au travail : 4 vols, 25 heures de trajet et de masque et 6 heures de décalage horaire. Jean-Paul et Marco continuent leur voyage à Potosí pour visiter le nouveau projet avec l’organisation de Contexto.
Encore quelques observations qui m’ont touchée :
- Lorsqu’on te sert à boire, le verre est toujours bien rempli, même si ce n’est que pour goûter;
- Quand tu es invité à manger, tu reçois toujours plus que tu ne peux manger ;
- Tout le monde porte du désinfectant autour du cou et en entrant dans un bâtiment, le paillasson est imprégné de désinfectant et une personne te désinfecte les mains ; le masque est obligatoire à l’extérieur ;
- Quand il pleut un peu plus, beaucoup de rues sont bloquées, car le système de canalisation n’arrive pas à évacuer une masse plus importante d’eau ;
- Le papier toilette est jeté dans la poubelle, car la canalisation se boucherait trop vite ;
- Sur la télé bolivienne, on ne voit que des animatrices très minces avec une belle poitrine et des cheveux blonds ;
- Dans les zones rurales, les femmes se regroupent naturellement entre femmes et les hommes entre hommes ;
- Je ne vois pas de couple homosexuel, mais beaucoup de mamans mineures.
Julie Kipgen
Une rentrée scolaire particulière à Tirani en Bolivie
En février, la directrice de la Fundación Cristo Vive Bolivia nous écrit pour partager un moment de fierté et de joie : pour la rentrée scolaire (une vraie rentrée depuis le Covid 19), le Maire de la commune Cercado de Cochabamba a visité les crèches dans les communautés de Tirani. Il aurait choisi de visiter ces projets-là car il les estime particulièrement pour leur conception et leur engagement.
„Cet événement à Tirani a été un moment important car il montre une grande partie de ce qui a été réalisé au cours de ces années dans la communauté. Ce sont les leaders communautaires, les collègues de l‘équipe multidisciplinaire de tous les services et les éducateurs qui se sont battus pendant deux ans pour réaliser cet événement.
En Bolivie, il est très difficile pour une autorité de prendre un moment pour écouter le peuple et cet événement a permis à un groupe important d‘autorités municipales d‘entrer en contact direct avec les habitants et d‘écouter ses besoins (en dehors des périodes de campagne électorale).
Les autorités ressentent l‘affection et la gratitude de la population et ceci permet aux habitants d‘avoir plus tard la force et la confiance de se rendre dans les bureaux pour leur rappeler les engagements exprimés lors de la visite. L‘expression publique de divers engagements sera désormais le moteur qui permettra aux autorités communautaires d‘assurer le suivi et d‘exiger le respect de ces engagements.
A la fin de la visite, le Maire a été amené par nos éducateurs pour rejoindre le groupe et faire une belle photo.
Nous sommes certains que cet événement marquera une relation différente entre nos communautés et les autorités.
C‘est merveilleux d‘être témoin de la croissance des gens.“
MERCI DE FAIRE PARTIE DE CE PROCESSUS !
Mercedes Gutierrez Cuellar, directrice de la „Fundación Cristo Vive Bolivia“
Traduction Julie Kipgen
Bericht aus Sacaba/Nouvelles de Sacaba
Le projet „Trabajo Digno“ de l’association Kallpa à Cochabamba
Fin décembre, Martine Greischer, directrice du projet « Trabajo Digno » à Cochabamba nous a rendu attentif à un article paru dans le journal en ligne bolivien GUARDIANA https://guardiana.com.bo/iniciativas/empleo-digno/ sur le travail de son association Kallpa. Voici la traduction en français de cet article :
« Trabajo Digno » (travail décent) peut vous aider à trouver un emploi gratuitement. Trabajo Digno travaille depuis 2011 à Cochabamba dans le cadre de la Fondation Kallpa. Il soutient les personnes qui cherchent à avoir un revenu décent et ceci dans cinq domaines : recherche d’emploi, entreprises prospères, protection du travail, aide juridique et sécurité sociale. Elle a déjà accompagné 4 500 personnes dans ces cinq domaines et en a formé 21 000 en ateliers. Weiterlesen
De nouvelles perspectives pour six communautés mapuche
Du 12 au 16 novembre 2017 notre collaboratrice indépendante Kim Nommesch séjournait à Temuco au Chili pour le suivi de notre projet „Renforcement de six organisations communautaires mapuche et de leur sécurité alimentaire dans la commune de Vilcún 2016-2019“ avec notre partenaire local FUNDECAM. Voici ses impressions et son évaluation du projet et de la situation actuelle en territoire mapuche.
Vers la fin de l’année passée, FUNDECAM (Fondation pour le développement des petits paysans) a initié un nouveau projet avec le soutien de Niños de la Tierra (NITI) – et donc avec votre soutien! Notre partenaire FUNDECAM s’est engagé depuis de nombreuses années en faveur des petits paysans mapuche qui vivent en milieu rural.
Aujourd’hui, 10% de la population du Chili s’identifie comme indigène, le plus grand groupe étant les personnes d’origine mapuche. La majorité vit en ville, mais environ 30% vivent dans les zones rurales dans des conditions de vie difficiles. Les responsables politiques aiment souligner que le Chili est aujourd’hui un pays « riche » et sont fiers d’être Etat membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Mais le succès économique n’atteint qu’une partie très minoritaire des habitants – le niveau d’inégalité des revenus reste un des plus élevés au monde.
Depuis la fin de la dictature, le gouvernement a introduit des mesures diverses destinées aux personnes indigènes telles que des bourses d’études ou des dispositions pour faciliter la récupération de leurs terres. Or, l’accès à ces aides est difficile, en raison des obstacles du système bureaucratique, du manque d’information des groupes cibles mais aussi en raison des attitudes racistes persistantes à l’encontre des personnes d’identité mapuche.
Un meilleur avenir à travers l’autonomisation et la cohésion sociale
Les efforts conjoints de FUNDECAM et de NITI ont pour objectif d’offrir de nouvelles perspectives aux membres des communautés. Il s’agit de favoriser l’autonomie des bénéficiaires en facilitant l´accès à l’information et en renforçant les compétences sociales et productives. Le projet se déroule dans six communautés de la municipalité de Vilcún (au Sud, près de Temuco). Lors de réunions et d’ateliers réguliers, les responsables de FUNDECAM discutent avec les membres de la communauté sur leurs droits en tant qu’indigènes, sur les défis personnels et structurels des bénéficiaires ainsi que sur les pratiques culturelles, les traditions culinaires et les méthodes de production traditionnelles qu’il s’agit de raviver et de conserver. Les sujets de discussion sont définis de manière participative: les connaissances sont acquises et les lignes de conduite sont mises au point grâce au dialogue.
Complémentairement, FUNDECAM a introduit un fond de roulement: des micro-crédits sont alloués aux bénéficiaires sur demande pour réaliser des investissements qui leur permettent d’assurer la sécurité alimentaire et d’augmenter leurs revenus. Ces crédits sont remboursables à moitié. Les montants sont investis par exemple dans l’achat de bétail, la mise en place d’enclos ou l’achat d’outils, tels qu’une machine à coudre. À côté de l’effet économique, un effet social se produit aussi: les bénéficiaires se réunissent plus régulièrement (ce qui est malheureusement de moins en moins le cas dans les communautés) et discutent pour décider en commun des modalités de gestion du fonds et son administration.
Avec l’aide de FUNDECAM, ils renforcent de cette manière leurs capacités de gestion puisqu’il faut comparer les prix pour trouver la meilleure offre, réaliser l’achat, demander des factures etc. Une ou plusieurs personnes sont chargées de réunir les sommes remboursées et de mettre l’argent sur un compte bancaire pour assurer la transparence du processus. Souvent, les bénéficiaires hésitent à faire des démarches officielles, en raison des attitudes racistes auxquelles ils sont confrontés. Ainsi, certains d’entre eux sont entrés pour la première fois dans une banque et cette expérience a créé un effet multiplicateur positif : une prochaine fois ils hésiteront moins et se sentiront plus à l’aise en face des employés.
Rencontres sur le terrain
Sur demande de NITI, j’ai rencontré deux communautés lors de la visite de suivi à savoir „Juan Ancamil“ et „Juan Segundo Mariluan“. La première est dirigée par une femme très engagée, la deuxième par un dirigeant qui exerce sa fonction depuis de nombreuses années. Dans cette dernière, ainsi que dans les autres communautés du projet l´accès à l´eau constitue un problème majeur. Quand le printemps s’annonce, les réserves d’eau s’épuisent et les habitants dépendent de la municipalité qui fournit en camion-citerne 500 litres d’eau par semaine et par ménage.
Dans toutes les communautés le nombre de femmes qui participent aux réunions est significativement plus élevé que celui des hommes. Ceci s’explique par le fait que les hommes partent au nord du pays pour y gagner de l’argent en tant que travailleurs saisonniers par exemple dans les plantations de fruits.
L’accès à la terre est le sujet prédominant dans toutes les discussions, indépendamment de la communauté. À la fin du 19e siècle, l’Etat chilien a en effet pris possession de vastes régions du territoire ancestral des indigènes. Les terrains ont été attribués à des colons majoritairement d’origine européenne, surtout à des allemands et des suisses. Le
peuple mapuche a continué la lutte pour récupérer ses terres jusqu’à ce jour. La discussion sur la relation avec les populations indigènes envenime toujours le pays.
Les différentes options pour aborder la cause mapuche a aussi créé des controverses dans les débats sur les élections présidentielles (le premier tour a eu lieu le 19 novembre)Dans ces conditions, FUNDECAM s’efforce à renforcer les connaissances sur les droits et les devoirs des personnes d’identité mapuche, le fonctionnement des institutions, surtout. Parallèlement, la fondation souligne le passé, l’histoire du peuple mapuche, son identité et ses pratiques traditionnelles, surtout les méthodes qui se sont avérées durables pour améliorer la production agricole.
En effet, dans un contexte d’oppression de longue date et aux visages multiples, il faut comprendre qu’il ne suffit guère d’introduire de nouveaux subsides et de nouvelles procédures administratives (et bureaucratiques). Pour améliorer les conditions de vie, renforcer la cohésion sociale et créer plus de justice au niveau de l’accès aux terres, il faut prendre en considération le côté culturel et historique, il faut améliorer les compétences sociales et l’information sur les droits, tout cela pour stimuler une transformation sociale et économique durable.
Kim Nommesch
photos: Kim Nommesch